Il existe deux poids pesant sur nos vies: celui des règles et celui de nos sentiments. L'un devient fou, l'autre se lasse.
jeudi 5 août 2010
Vice.
Quelque chose bouillonne de te voir. Au creux de mon ventre. Ou peut-être plus bas. Il y a une demie année je ne pouvais dormir en pensant que la journée qui allait suivre serait décisive pour le restant de ma vie. Le gouffre s’approchait de moi et je m’y suis jetée. Gênée par le froid et par cette beauté qui se révélait avec cet important retard qui nous avait déchiré le cœur, je me suis lancée. Doucement. Comment faire autrement ? Il faut prendre son temps, il le fallait. Aujourd’hui est une journée humide et lourde. L’air me compresse. Pourtant, ce matin parait loin. L’ouragan qui mangeait mon cœur ce matin est proche, lui. Proche, omniprésent même. Il fait partie de moi.
Verre vide. J’ai deux solutions, me contenter de ma situation ou m’arranger pour que l’air qui remplit mon verre devienne du liquide. Liquide qui me fera basculer dans une ivresse incontrôlable. Je me tâte. Je n’ai pas envie de voir le monde tourner, encore une fois. Je n’ai pas envie non plus de regarder les autres sourire idiotement pendant que je me demande ce que font des inconnus rencontrés il y a des mois, dont j’ignore jusqu’aux prénoms. Alors tant pis, je pense à autre chose. Je pense aux corps qui se fatiguent inutilement. Je pense à des livres perdus, des paroles qui n’existent plus ainsi qu’à la campagne. Je pense à l’immensité des champs qui s’étendent et devant qui nous passons avec indifférence. Je pense à la terre qui souffre du soleil agressif et je pense à mes pieds nus écorchés par les cailloux. Je pense à nous. Le souvenir de mensonges lointains me traversent l’esprit et en découlent une légère larme. Attendue, je me connais un peu. Je pense à la cruauté humaine et au manque de réalité. Ce déclic qui nous fait perdre la tête et traiter les autres comme des sous-hommes, ce déclic qui nous fait nous soumettre à des choses ridicules. Je pense au ridicule de mes contraintes et à ma volonté de les dissoudre, en vain. Je repense à ce verre toujours vide que j’ai fini par exploser au sol. Particules de verre qui brillent sous les néons.
Encore une fois, je l’ai poussée dessus sans m’en vouloir. La vengeance est-elle légitime ? J’ai vu les cristaux s’accrocher à sa chair et former des gouttelettes écarlates. Tu cries, pour qu’on t’aide et après moi. Or pour une fois, enfin, tu es belle. La douleur crispe tes traits et transmet enfin quelque chose, quelque chose de différent que ta bêtise et ton mauvais goût.
Je marche en frissonnant, ma robe d’été ne suffit pas contre les agressions du vent. Il s’infiltre et glisse sur ma peau. Des mains caressent mes bras afin de les réchauffer, ce ne sont que les miennes. Personne n’est là pour m’empêcher de grelotter. Je tourne, tourne et ne vois personne. Je suis absolument seule dans l’étendue des champs, des vignes. J’enlève mes sandales, et je remarque que je suis blessée, tant pis, ce n’est pas bien grave. Je continue mon chemin et bientôt, le soleil est revenu. Un frisson de bien-être me parcoure de bas en haut. Rien n’est plus important qu’être là. Enfin, je vois une silhouette au loin, habits clairs et mine heureuse. Je m’assois non loin d’elle et respire profondément. Devant moi, une radio. Je me demande comment se fait-il qu’elle fonctionne encore mais j’appuie sur play. La musique vient, d’abord douce et presque silencieuse. Peu à peu, je monte le volume et elle éclate. Elle me donne l’impression de couvrir tous les bruits de la campagne. Les accords de piano et de violon me transpercent. La silhouette, enfin, se rapproche et me laisse un léger baiser sur l’épaule. Alors, nous pouvons nous allonger et regarder l’immensité de ces paysages qui n’appartiennent ni à nous, ni à personne.
Samedi, 3 juillet 2010, 20h53
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